Coronavirus. SNCB : ‘‘Il y a eu chez nous comme ailleurs une sous-estimation du danger’’

Alors que le pays est petit à petit mis à l’arrêt, nous constatons que ce sont les fonctionnaires, régulièrement pointés du doigt par les politiciens de droite pour leurs soi-disant « privilèges », qui sont appelés à la rescousse. Les hôpitaux et les services de secours sont sur le pied de guerre, les enseignants sont en première ligne, et les agents des transports en commun sont appelés à continuer de travailler malgré les risques.

Par un cheminot

Bien qu’il soit encore trop tôt pour tirer des conclusions, il semble clair pour de plus en plus de cheminots que les mesures prises en interne dans la lutte contre le coronavirus sont insuffisantes. Il y a eu chez nous comme ailleurs une sous-estimation du danger que représente cette pandémie. La prise de conscience s’est rapidement développée ces derniers jours, mais la direction semble être toujours un temps en retard.

L’argent en liquide continue à être manipulé aux guichets alors qu’il semble être un facteur important de contamination. Comme à la TEC, la direction annonce des mesures de nettoyage spéciales depuis plusieurs jours mais nous ne les constatons pas sur le terrain. Dans certains services, les gels hydroalcooliques n’ont toujours pas été distribués, même aux nettoyeurs. L’ordre fait aux accompagnateurs de train d’effectuer un « contrôle visuel » des titres de transports manque manifestement de clarté et constitue donc un risque. Certaines mesures positives ont bel et bien été prises – lorsqu’elles sont appliquées –, comme la suppression des trains qui ne possèdent pas de toilettes en service équipées d’eau et de savon. Mais face à l’urgence et aux mesures radicales qui semblent nécessaires, nous constatons surtout des actions de communication et des « préconisations ».

Les managers ont cultivé ces dernières années une culture du « présentéisme ». La mise en place de la nouvelle procédure de contrôle des malades basée sur l’indice de Bradford, et l’introduction prévue dans les prochaines semaines d’ « entretiens maladies » entre la hiérarchie et les agents considérés comme « trop souvent malades » est en contradiction totale avec les mesures de précaution sanitaires nécessaires. Les nouvelles directives indiquant de rester chez soi lorsqu’on se sent malade, publiées tardivement et laissant toujours planer la menace de la visite d’un médecin contrôle, commencent seulement à faire leurs effets. La suspension immédiate de toutes les mesures de répression des agents malades est une nécessité absolue si nous voulons limiter la propagation du virus au sein de la société.

La SNCB s’apprête à mettre en place dans les prochains jours un « service alternatif des trains » si elle n’a plus à sa disposition suffisamment d’agents en bonne santé pour assurer le service habituel. L’opportunité d’activer ce scénario le plus tôt ou le plus tard possible fait débat, car la diminution du nombre de trains en circulation aurait pour conséquence une augmentation de l’occupation des rames alors que la distanciation sociale est conseillée par les experts. Dans le même temps, de nombreux agents qui sont en permanence au contact des usagers évoquent leurs craintes d’être contaminés et de contaminer à leur tour leurs proches malades, âgés, ou des voyageurs.

Certains parents sont toujours à la recherche d’une solution pour faire garder leurs enfants qui n’auront plus école : les garderies, lorsqu’elles acceptent les enfants des cheminots, ne seront ouvertes que pendant les horaires d’écoles, alors qu’il y a des cheminots au travail à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. La revendication qui pourrait naître de cette situation serait la mise sur pied d’un service alternatif des trains sur base volontaire et accompagnée de mesures sanitaires renforcées.

Les transports publics sont un service structurel dans la société, et de nombreuses personnes travaillant dans des services essentiels comme les soins de santé les utilisent. Dans quelle mesure devrait-on pouvoir suspendre ou non le trafic des trains pour limiter la propagation d’une épidémie ? Cette question n’avait jamais été abordée auparavant, nous manquons de recul et elle fait donc toujours débat. La réponse devrait être tranchée sur base d’une discussion démocratique à propos des besoins sociaux absolument nécessaires. Une chose est sûre : un gouvernement capitaliste, pour qui le profit des grandes sociétés a été la priorité durant les 6 dernières années, n’est pas capable de faire cela. Les travailleurs et leurs organisations, en étant organisés et déterminés, le pourraient.

La direction des chemins de fer a son avis sur la question : en annulant toutes les réunions paritaires avec les représentants élus des travailleurs comme les CPPT, elle entend bien faire à sa manière. La santé des travailleurs a pourtant rarement été mise autant en danger, et des alternatives respectant les mesures de distanciation sociale sont possibles. Plus que jamais, la participation démocratique du personnel aux mesures de santé est nécessaire ! Non à l’affaiblissement des droits démocratiques !