‘‘Le libre marché se fiche des conditions de travail et de la sécurité’’
Ce 25 avril, un camion chargé de bouteilles de gaz a déraillé et s’est retrouvé sur l’autoroute E34. Il y a eu une collision avec d’autres camions. Un des chauffeurs a été tué sur le coup, puis on a vu un gigantesque incendie qui a forcé la fermeture de l’autoroute pendant près d’une semaine. Est-ce une bonne idée de transporter des cargaisons dangereuses par route sur de si longues distances ? Le chauffeur ne l’aurait certainement pas soupçonné lui-même. Les chauffeurs de poids lourds sont en effet soumis à une rude concurrence et travaillent souvent pour des salaires de misère.
Les économies sur la sécurité et sur les conditions de travail
La “position de concurrence” se fait au prix de la sécurité et des conditions de travail. Les chauffeurs d’Europe de l’Est qui sont engagés par des entreprises de transport belges ne gagnent qu’à peine 3 euros de l’heure pour de longues journées de travail pendant lesquelles les chauffeurs doivent aussi trafiquer le compteur de vitesse ; cette réalité quotidienne ne contribue pas à améliorer la sécurité sur la route.
Les bateliers aussi ont mené récemment une action contre les prix pratiqués par des entreprises étrangères. À cause de la crise, la quantité de marchandises à transporter a diminué. Les grands investissements qu’ont fait les petits bateliers indépendants avant 2008 ne peuvent plus être remboursés. Les bateliers revendiquent un contrôle sur les prix du transport de marchandises. Ils ont bloqué pour cela plusieurs écluses.
La fédération des patrons flamands, la Voka, a été très rapide à réagir pour se plaindre des dégâts que causent à l’économie les actions des bateliers. Par contre, la Voka ne parle évidemment pas des dégâts infligés à l’environnement, aux bateliers, aux chauffeurs de camion, etc. en conséquence de la libéralisation du transport des marchandises et des prix cassés qu’a amenés la concurrence internationale. Ces pratiques menacent pourtant la sécurité de nous tous ; les habitants de Wetteren l’ont appris à leurs dépens.
Le transport de marchandises par rail se retrouve de plus en plus poussé dans les mêmes conditions de transport bon marché. Il n’y a pas si longtemps encore, B-Cargo faisait partie de l’entreprise d’État SNCB. Depuis le 1er janvier 2012, ce sont maintenant douze opérateurs qui sont actifs dans le secteur. Une entreprise étatique comme B-Cargo, dont le personnel a un statut de fonctionnaire public (et donc avec de meilleures conditions de travail pour le personnel), ne peut naturellement pas concurrencer les entreprises ferroviaires privées ou le transport routier, qui opèrent dans des conditions bien moins bonnes.
Dans toutes les discussions concernant le transport de fret par chemin de fer, on voit de plus en plus venir l’argumentaire sur la nécessité de rendre ce type de transport conforme au marché. C’est-à-dire : comment le rendre aussi bon marché que possible ? Il n’est par contre pas du question de savoir comment rendre ce type de transport aussi respecteux de l’environnement et de la sécurité que possible.
La catastrophe de Wetteren
Vers 2 heures du matin, le 4 mai, un train de marchandises a déraillé à Wetteren. Cinq-cents habitants ont été directement tirés de leur lit par la protection civile. Le plan de catastrophe a été enclenché. Dans le premier communiqué de presse, on soulignait déjà le fait qu’il s’agissait d’un conducteur de train néerlandais qui roulait pour une firme allemande. En outre il a été remarqué que des conducteurs belges aussi effectuent de longs trajets à l’étranger, même s’ils ne sont pas au courant des particularités du réseau.
La NVA est immédiatement intervenue pour affirmer que sur base d’une “bonne source” que le problème se trouvait dans le mauvais entretien d’un aiguillage. Cela n’est probablement pas la vérité. Mais il est vrai que l’entretien des chemins de fer aujourd’hui est effectué bien moins soigneusement qu’il ne l’était il y a trente ans. Cela découle des moyens forts restreints qui sont accordés à l’entretien, tandis que en même temps on en fait un usage plus intensif. Mais la NVA est loin de plaider pour des investissements publics dans l’entretien et la sécurité du chemin de fer…
Si la catastrophe de Wetteren a bien mis quelque chose en évidence, c’est le manque total de contrôle sur le “libre” marché. Le “libre marché” ne se soucie que très peu des conditions de travail et de la sécurité. Non, seule compte la chasse aux profits. Celui qui joue au cow-boy et prend de grands risques, peut engendrer de grands profits. S’il y a un problème, c’est la collectivité qui paiera. Ainsi va la vie aussi dans les chemins de fer.
Il est grand temps que nous changions de cap et réorganisions le transport de marchandises tout entier dans les mains du public. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons garantir les conditions de travail, la sécurité et le respect de l’environnement. Vu les dangers et les graves conséquences des accidents tels que ceux de Wetteren et de l’E34, il ne s’agit pas ici d’un caprice inutile.