Pour les cheminots, cette grève générale a commencé le 29 à 22h. Au piquet, les mots sont très durs pour dénoncer la politique d’austérité du gouvernement bien entendu, mais aussi plus largement contre la cherté de la vie, contre le syndicalisme de négociation et plus fondamentalement contre le système capitaliste lui-même, un »serpent qui se mord la queue », comme nous le disait un délégué.
Alain Maes est délégué CGSP-Cheminots. Nous avons discuté avec lui de cette grève, en partant de celle du 22 décembre dernier, où les services publics étaient déjà partis en grève générale, faisant du gouvernement Di Rupo 1er le gouvernement à avoir été le plus vite confronté à une grève générale de l’histoire du pays. »Le 22, la grève avait été lancée, avec succès, très rapidement contre les mesures portant sur les pensions. La mobilisation s’était beaucoup faite par sms, coups de fils,… Là, notre travail en front commun a pu prendre plus de temps pour renforcer la mobilisation, discuter avec les travailleurs. Il y a des arguments chocs : le chômage coûte 7 milliards d’euros par an, les cadeaux fiscaux 10 milliards! Et ils ne créent même pas les emplois promis. Qui sont les voleurs? »
Il enchaine de suite, »Mais nous plaçons cette lutte très clairement dans un cadre plus large, celui du capitalisme. L’austérité ne s’arrêtera pas, c’est comme un serpent qui se mord la queue. » Alain est donc persuadé que la lutte devra se poursuivre. »Il y a encore beaucoup de boulot à faire. Tout le monde n’est pas sensibilisé, et on voit même des idées racistes ressortir à la faveur de la crise, moins ouvertement que ce qu’on a pu connaître dans le passé toutefois, plus insidieusement. » Cette question est directement liée à celle de la création d’un rapport de force »et pour cela, on doit sortir des explications techniques, revenir à la base, au marxisme, à la gauche. Ce système de spéculation existe sur base d’une production que nous produisons, qui nous appartient. On m’a parfois pris pour un drôle d’oiseau de dire ça, mais là de plus en plus de gens en sont convaincus. »
Un autre cheminot arrive alors, et fustige les prétendus efforts du gouvernements, comme cette fameuse diminution de 5% du salaire des ministres. »Il leur reste encore combien de milliers d’euros avec ça ? On se moque de nous, c’est uniquement pour tenter de nous faire passer la pilule. Qu’est-ce qu’on doit payer nous ? »
Un peu plus tard, nous discutons avec Michel, un ancien militant communiste qui a connu les grèves de ’60-’61. »A l’époque, j’avais 17 ans. On a vu de ces manifestations énormes! Mais le contexte était différents, avec les grands bastions ouvriers. Et puis moi, on m’avait appris l’histoire syndicale dès tout petit. Aujourd’hui, l’histoire des luttes, ça ne s’apprend plus largement. On reviendra à de grands mouvements, mais il faut reconstruire cela. Ceci dit, les jeunes générations bougent. On l’a vu avec le mouvement contre la mondialisation il y a quelques années, maintenant avec les Indignés par exemple. » Son camarade Serge renchérit: »Avant, on avait un syndicalisme de combat, on est passé à un syndicalisme de service. Il faut en revenir à ce syndicalisme de combat, de toutes ces luttes, il y avait de véritables dirigeants syndicaux de lutte qui ressortaient. Il ne faut pas avoir peur de se battre pour aller plus loin. Le capitalisme ne sait plus rien apporter, c’est fini, il faut aller ailleurs. La crise n’est pas terminée, et le message à faire passer, c’est de reprendre le chemin de la lutte. »